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samedi 27 novembre 2010

Censure partielle de l'HDT par le Conseil Constitutionnel, 26-11-2010. Une judiciarisation de l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) est nécessaire passé le maintien de quinzaine. Décision elle même.

Voir lien: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2010/2010-71-qpc/decision-n-2010-71-qpc-du-26-novembre-2010.50790.html

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Analyse de cette décision (André Bitton, pour le C.R.P.A, 01 47 63 05 62, mél: andre.bitton2@orange.fr) :

  Cette décision est décevante et minimaliste. Elle ouvre néanmoins le débat législatif, juridique, politique et médical sur une judiciarisation  au delà des quinze premiers jours de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement. Cette censure partielle préserve la dualité de compétence juridique propre au terrain qui est considérée comme constitutionnelle, et laisse les acteurs, patients et autres requérants possibles, aux prises avec ces renvois incessants entre les deux ordres de juridiction que nous connaissons, au risque d’aggraver  l’insécurité juridique en la matière. Cette décision, par ailleurs, avalise en la plaçant sur un plan législatif et non plus règlementaire, la logique du décret du 20 mai 2010  réformant la procédure devant les Juges des libertés et de la détention quand les patients ou leurs proches les saisissent à fin de main levée judiciaire des hospitalisations sans consentement. Par ailleurs pour le Conseil Constitutionnel la contrainte aux soins psychiatrique bien que problématique, n'est pas inconstitutionnelle. Décision minimaliste donc, on pouvait attendre plus. Porte ouverte néanmoins pour une nécessaire implication du pouvoir judiciaire dans l'hospitalisation psychiatrique sans consentement.
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COMMUNIQUE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL. 26/11/2010. Aff. 2010-71 QPC.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil d'État, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mlle Danielle S. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de huit articles du code de la santé publique relatifs à l'hospitalisation sans consentement en général et à l'hospitalisation à la demande d'un tiers en particulier (HDT).

Ces huit articles sont les articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 15 juin 2000, désormais repris aux articles L. 3211 3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du même code.

Ces huit articles sont issus de la loi du 27 juin 1990, dite « loi Evin » qui a remplacé la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. Cette loi de 1990 a repris les deux procédures distinctes d'hospitalisation sous contrainte : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) est une mesure d'hospitalisation pour nécessité médicale de la personne atteinte de troubles mentaux ; l'hospitalisation d'office (HO) ordonnée par le préfet ou le maire est motivée par la sécurité des personnes et l'ordre public. En 2007 et 2008, 69 000 personnes environ ont été hospitalisées sans leur consentement au moins une fois dans l'année. Pour 2009, la durée moyenne d'une HDT est de 49 jours et celle d'une HO de 82 jours.

La requérante contestait, d'une part, les conditions de l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et, d'autre part, l'insuffisance des droits des personnes hospitalisées sans leur consentement (HDT ou HO).

I. Sur les conditions de l'hospitalisation à la demande d'un tiers

Le Conseil a distingué les conditions d'admission et le maintien de l'hospitalisation.

* En ce qui concerne les conditions d'admission, les articles L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 333-4 fixent les conditions de l'HDT. En premier lieu, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande d'un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. En deuxième lieu, diverses conditions de procédure sont posées : demande d'admission présentée par un proche et accompagnée de deux certificats médicaux, confirmation de la nécessité de l'hospitalisation dans les vingt-quatre heures par un psychiatre de l'établissement. . .

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions sont conformes à la Constitution. Elles assurent que l'hospitalisation sans le consentement du malade, à la demande d'un tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade. Par ailleurs, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté.

* En ce qui concerne le maintien de l'hospitalisation, l'article L. 337 du code de la santé publique prévoit qu'au-delà des quinze premiers jours, elle peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois, renouvelable, au vu d'un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de l'hospitalisation sont toujours réunies.

Le Conseil constitutionnel a rappelé les exigences découlant de l'article 66 de la Constitution selon lesquelles la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Certes, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui conditionnent la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai. Mais, en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L. 337 méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré l'article L. 337 contraire à la Constitution.

II. Sur les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement

Ces droits sont identiques pour les personnes en HDT ou en HO.

Ces droits n'apparaissent pas, par eux-mêmes, contraires à la dignité de la personne. Il appartient aux professionnels de santé ainsi qu'aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l'accomplissement de leurs missions et dans l'exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances.

Aux termes de l'article L. 326-3, les restrictions à l'exercice des libertés d'une personne hospitalisée sans son consentement doivent être limitées à celles nécessitées par l'état de santé de l'intéressé et la mise en oeuvre de son traitement. Ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'exercice de droits constitutionnellement garantis.

Si une personne en HDT ou en HO ne peut s'opposer aux soins médicaux que ses troubles requièrent, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait ici opéré une conciliation non inconstitutionnelle entre les exigences de protection de la santé et de protection de l'ordre public, d'une part, et la liberté personnelle, d'autre part. En tout état de cause, les garanties encadrant l'hospitalisation sans consentement permettent que l'avis de la personne sur son traitement soit pris en considération.

Enfin, la personne en HDT ou en HO, ou toute personne intéressée, dispose du droit de saisir à tout moment le tribunal de grande instance pour qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement. Le Conseil constitutionnel a ici formulé une réserve pour que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d'information complémentaires sur l'état de santé de la personne hospitalisée.




Au total, par sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article L. 337 du code de la santé publique, désormais repris à son article L. 3212-7. Il a fixé au 1er août 2011 la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité afin de permettre au législateur d'y remédier. Il a déclaré les autres articles soumis à son examen conformes à la Constitution tout en assortissant sa décision d'une réserve d'interprétation portant sur l'article L. 351 du même code, désormais repris à l'article L. 3222-1.
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Décision elle même :


JORF n°0275 du 27 novembre 2010

Texte n°42


DECISION
Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010

NOR: CSCX1030159S







(Mlle DANIELLE S.) 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil d’Etat (décision n° 339110 du 24 septembre 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité, posée par Mlle Danielle S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, désormais repris aux articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du même code.

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, notamment son article 71 ;

Vu la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation ;

Vu l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

Vu les observations produites pour la requérante par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 octobre 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 octobre 2010 ;

Vu les observations en intervention produites pour l’association Groupe information asiles par Me Corinne Vaillant, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 21 octobre 2010 ;

Vu les nouvelles observations produites pour la requérante, enregistrées le 29 octobre 2010 ;

Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 novembre 2010 ;

Vu les observations produites pour la requérante sur l’intervention de l’association Groupe information asiles, enregistrées le 10 novembre 2010 ;

Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l’instruction, enregistrées le 12 novembre 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;

Me Ricard pour la requérante, Me Vaillant pour l’association Groupe information asiles et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l’audience publique du 16 novembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le Conseil constitutionnel est saisi de huit articles du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance susvisée du 15 juin 2000 ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 326-3 du code la santé publique : « Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions du chapitre III du présent titre, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

« Elle doit être informée dès l’admission et, par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits.

« En tout état de cause, elle dispose du droit :

« 1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l’article L. 332-2 ;

« 2° De saisir la commission prévue à l’article L. 332-3 ;

« 3° De prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix ;

« 4° D’émettre ou de recevoir des courriers ;

« 5° De consulter le règlement intérieur de l’établissement tel que défini à l’article L. 332-1 et de recevoir les explications qui s’y rapportent ;

« 6° D’exercer son droit de vote ;

« 7° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

« Ces droits, à l’exception de ceux mentionnés aux 4°, 6° et 7°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du malade » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 331 du même code : « Dans chaque département, un ou plusieurs établissements sont seuls habilités par le préfet à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux qui relèvent du chapitre III du présent titre » ;

4. Considérant qu’aux termes de son article L. 333 : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement à la demande d’un tiers que si :

« 1° Ses troubles rendent impossible son consentement ;

« 2° Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

« La demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil.

« Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l’hospitalisation que de celle dont l’hospitalisation est demandée et l’indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s’il y a lieu, de leur degré de parenté.

« La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies.

« Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d’un deuxième médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des directeurs des établissements mentionnés à l’article L. 331, ni de la personne ayant demandé l’hospitalisation ou de la personne hospitalisée » ;

5. Considérant qu’aux termes de son article L. 333-1 : « Avant d’admettre une personne en hospitalisation sur demande d’un tiers, le directeur de l’établissement vérifie que la demande a été établie conformément aux dispositions de l’article L. 333 ou de l’article L. 333-2 et s’assure de l’identité de la personne pour laquelle l’hospitalisation est demandée et de celle de la personne qui demande l’hospitalisation. Si la demande d’admission d’un majeur protégé est formulée par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait du jugement de mise sous tutelle ou curatelle.

« Il est fait mention de toutes les pièces produites dans le bulletin d’entrée » ;

6. Considérant qu’aux termes de son article L. 333-2 : « A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l’établissement pourra prononcer l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant éventuellement d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil » ;

7. Considérant qu’aux termes de son article L. 334 : « Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, il est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil, qui ne peut en aucun cas être un des médecins mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 333, un nouveau certificat médical constatant l’état mental de la personne et confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir l’hospitalisation sur demande d’un tiers.

« Dès réception du certificat médical, le directeur de l’établissement adresse ce certificat ainsi que le bulletin et la copie des certificats médicaux d’entrée au préfet et à la commission mentionnée à l’article L. 332-3 » ;

8. Considérant qu’aux termes de son article L. 337 : « Dans les trois jours précédant l’expiration des quinze premiers jours de l’hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l’établissement d’accueil.

« Ce dernier établit un certificat médical circonstancié, précisant notamment la nature et l’évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l’hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l’hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d’un mois.

« Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d’un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.

« Le certificat médical est adressé aux autorités visées au deuxième alinéa de l’article L. 338 ainsi qu’à la commission mentionnée à l’article L. 332-3 et selon les modalités prévues à ce même alinéa.

« Faute de production du certificat susvisé, la levée de l’hospitalisation est acquise » ;

9. Considérant qu’aux termes de son article L. 351 : « Toute personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, tout parent ou toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate.

« Toute personne qui a demandé l’hospitalisation ou le procureur de la République, d’office, peut se pourvoir aux mêmes fins.

« Le président du tribunal de grande instance peut également se saisir d’office, à tout moment, pour ordonner qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estimerait utiles sur la situation d’un malade hospitalisé » ;

10. Considérant que la requérante conteste, d’une part, les conditions dans lesquelles une personne peut être placée, à la demande d’un tiers, puis maintenue en hospitalisation sans son consentement et, d’autre part, l’insuffisance des droits reconnus aux personnes ainsi hospitalisées ; qu’en outre, elle demande au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions du code de la santé publique relatives à la procédure d’hospitalisation d’office ; Sur la procédure :

11. Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision par laquelle le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation a jugé, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu’une disposition était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le fondement des poursuites ;

12. Considérant que, par suite, doivent être rejetées les conclusions de la requérante tendant à ce que le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la Constitution des dispositions du code de la santé publique relatives à la procédure d’hospitalisation d’office, dès lors que ces dispositions ne figurent pas dans la question renvoyée par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel ;

Sur l’hospitalisation à la demande d’un tiers :

13. Considérant que la requérante soutient que l’atteinte à la liberté individuelle qui résulte de l’hospitalisation sans consentement requiert que seule une juridiction de l’ordre judiciaire soit compétente pour en décider ; que, dès lors, la procédure d’hospitalisation sur demande d’un tiers méconnaîtrait l’article 66 de la Constitution ; qu’en outre, selon la requérante, la décision d’admission dans un établissement de santé privé habilité à prendre en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement n’est pas entourée de garanties suffisantes ;

14. Considérant que l’article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l’exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu’il entend édicter ;

15. Considérant qu’en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l’article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

16. Considérant que l’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l’article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu’au nombre de celles-ci figurent la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle, dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l’exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;

En ce qui concerne les conditions de l’admission :

17. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 333 du code de la santé publique prévoit qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande d’un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier ;

18. Considérant que ce même article prévoit que la demande d’admission doit être présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, ce qui implique qu’elle justifie de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans son intérêt ; que la demande ne peut, en tout état de cause, être présentée par un membre du personnel soignant exerçant dans l’établissement d’accueil ; qu’elle doit être accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés, datés de moins de quinze jours, attestant que les conditions rappelées au considérant précédent sont remplies ; que le septième alinéa de l’article L. 333 fixe des garanties dans le choix des médecins rédacteurs de ces certificats ; que le premier certificat ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; que la possibilité d’une admission au vu d’un seul certificat médical est réservée, à titre exceptionnel, au cas de « péril imminent pour la santé du malade » ; que, dans les vingt-quatre heures de l’admission, la nécessité de celle-ci doit être confirmée par un médecin psychiatre de l’établissement d’accueil ;

19. Considérant qu’en adoptant les articles L. 333, L. 333-2 et L. 333-4 le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédure propres à assurer que l’hospitalisation sans consentement, à la demande d’un tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ;

20. Considérant, en deuxième lieu, que, si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, dès lors, les dispositions de l’article L. 333-1 du code de la santé publique, qui confient au directeur de l’établissement le soin d’admettre une personne en hospitalisation sur demande d’un tiers après avoir vérifié que la demande a été établie conformément aux dispositions de l’article L. 333 ou de l’article L. 333-2, ne méconnaissent pas les exigences tirées de l’article 66 de la Constitution ;

21. Considérant, en troisième lieu, qu’aucune règle ou principe constitutionnel n’impose que l’accueil des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement soit confié à des établissements de santé publics ; que, dans l’accomplissement des missions prévues par les dispositions contestées, les établissements de santé privés habilités, dans les conditions fixées par l’article L. 331, à prendre en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement sont soumis aux mêmes obligations que les établissements publics ; que les décisions d’admission sans consentement dans les établissements privés ou publics de personnes atteintes de troubles mentaux sont subordonnées aux mêmes formalités et contrôles ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le législateur n’aurait pas entouré de garanties suffisantes l’admission prononcée par un directeur d’un établissement privé doit être écarté ;

22. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les articles L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 334 du code de la santé publique doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

En ce qui concerne le maintien de l’hospitalisation :

23. Considérant que l’article L. 337 du code de la santé publique prévoit qu’au-delà des quinze premiers jours l’hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d’un mois au vu d’un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de l’hospitalisation sont toujours réunies ; qu’au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue pour des périodes successives d’un mois selon les mêmes modalités ; que le certificat médical est transmis au représentant de l’Etat dans le département, à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques et au procureur de la République ;

24. Considérant que, si le deuxième alinéa de l’article L. 332-3 du code de la santé publique, devenu son article L. 3222-5, confie à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques le soin « d’examiner la situation des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles », cette commission a un caractère administratif ; qu’au demeurant, elle n’autorise pas le maintien de l’hospitalisation et n’examine obligatoirement que la situation des personnes dont l’hospitalisation se prolonge au-delà de trois mois ;

25. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que, toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; qu’en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions de l’article L. 337 méconnaissent les exigences de l’article 66 de la Constitution ; qu’en outre ni l’obligation faite à certains magistrats de l’autorité judiciaire de visiter périodiquement les établissements accueillant des personnes soignées pour des troubles mentaux ni les recours juridictionnels dont disposent ces personnes pour faire annuler la mesure d’hospitalisation ou y mettre fin ne suffisent à satisfaire à ces exigences ;

26. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien de l’hospitalisation d’une personne sans son consentement, en application de l’article L. 337 du code de la santé publique, à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution ; qu’il s’ensuit que cet article doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Sur les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement :

27. Considérant que, selon la requérante, les conditions dans lesquelles les hospitalisations sans consentement sont mises en œuvre méconnaissent la dignité de la personne ; qu’elle soutient également qu’en ne reconnaissant pas à ces personnes le droit de téléphoner et le droit de refuser un traitement, l’article L. 326-3 du code de la santé publique porte une atteinte inconstitutionnelle aux droits et libertés ; qu’enfin le droit de ces malades à un recours juridictionnel ne serait pas effectif compte tenu de la lenteur des procédures, de l’absence d’information effective de ces personnes sur leurs droits et de la dualité des compétences des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ;

En ce qui concerne la dignité de la personne :

28. Considérant que le Préambule de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ;

29. Considérant qu’il appartient aux professionnels de santé ainsi qu’aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l’accomplissement de leurs missions et dans l’exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances ; que la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 326-3 du code de la santé publique rappelle cette exigence ; qu’il appartient, en outre, aux autorités compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de la santé publique et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne hospitalisée sans son consentement et d’ordonner la réparation des préjudices subis ; que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l’application des dispositions législatives précitées n’a pas, en elle-même, pour effet d’entacher ces dispositions d’inconstitutionnalité ; que, par suite, les dispositions soumises à l’examen du Conseil constitutionnel ne portent pas atteinte à la dignité de la personne ;

En ce qui concerne les autres droits et libertés :

30. Considérant que, selon la requérante, en supprimant le droit de recevoir des communications téléphoniques et le droit de refuser tout traitement, lesquels avaient été reconnus aux personnes hospitalisées sans leur consentement par le paragraphe IV de l’article 71 de la loi du 2 février 1981 susvisée, l’article L. 326-3 a apporté des restrictions disproportionnées aux droits des malades ;

31. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 326-3 du code de la santé publique reconnaît aux personnes hospitalisées le droit d’émettre ou de recevoir des courriers « en tout état de cause » ; que l’utilisation des autres moyens de communication est régie par le principe général, énoncé par le premier alinéa de cet article, selon lequel, lorsqu’une personne est hospitalisée sans son consentement, « les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement » ; que ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de droits constitutionnellement garantis ;

32. Considérant, en second lieu, que le législateur a estimé qu’une personne atteinte de troubles mentaux qui soit rendent impossible son consentement alors que son état impose une surveillance constante en milieu hospitalier, soit font que cette personne compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public ne peut s’opposer aux soins médicaux que ces troubles requièrent ; qu’en tout état de cause les garanties encadrant l’hospitalisation sans consentement permettent que l’avis de la personne sur son traitement soit pris en considération ; que, dans ces conditions, en adoptant les dispositions déférées, le législateur a pris des mesures assurant, entre la protection de la santé et la protection de l’ordre public, d’une part, et la liberté personnelle, protégée par l’article 2 de la Déclaration de 1789, d’autre part, une conciliation qui n’est pas manifestement disproportionnée ;

En ce qui concerne le droit à un recours juridictionnel effectif :

33. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ;

34. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 326-3 du code de la santé publique toute personne hospitalisée sans son consentement doit être informée dès l’admission et, par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits ; que, selon le troisième alinéa de ce même article, elle dispose « en tout état de cause » du droit de prendre conseil d’un avocat de son choix ;

35. Considérant, en deuxième lieu, que la Constitution reconnaît deux ordres de juridictions au sommet desquels sont placés le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ; que figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ;

36. Considérant que, dans la mise en œuvre de ce principe, lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé ;

37. Considérant que, si, en l’état du droit applicable, les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour apprécier la régularité de la procédure et de la décision administratives qui ont conduit à une mesure d’hospitalisation sans consentement, la dualité des ordres de juridiction ne limite pas leur compétence pour apprécier la nécessité de la privation de liberté en cause ;

38. Considérant, en troisième lieu, que l’article L. 351 du code de la santé publique reconnaît à toute personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit le droit de se pourvoir par simple requête à tout moment devant le président du tribunal de grande instance pour qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement ; que le droit de saisir ce juge est également reconnu à toute personne susceptible d’intervenir dans l’intérêt de la personne hospitalisée ;

39. Considérant toutefois que, s’agissant d’une mesure privative de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d’information complémentaires sur l’état de santé de la personne hospitalisée ;

40. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 39, les articles L. 326-3 et L. 351 du code de la santé publique ne sont pas contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

Sur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité :

41. Considérant que, en principe, une déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, l’abrogation immédiate de l’article L. 337 du code de la santé publique, devenu son article L. 3212-7, méconnaîtrait les exigences de la protection de la santé et la prévention des atteintes à l’ordre public et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er août 2011 la date de cette abrogation ; que les mesures d’hospitalisation prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,

Décide : 

Article 1


L’article L. 337 du code la santé publique, devenu son article L. 3212-7, est déclaré contraire à la Constitution. 

Article 2


La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet le 1er août 2011 dans les conditions fixées au considérant 41. 

Article 3


Sous la réserve énoncée au considérant 39, l’article L. 351 du code de la santé publique, devenu son article L. 3211-12, n’est pas contraire à la Constitution. 

Article 4


Les articles L. 326-3, L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 334 du code de la santé publique, devenus ses articles L. 3211-3, L. 3212-1, L. 3211-2, L. 3212-3 et L. 3212-4, sont conformes à la Constitution. 

Article 5


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. 


Le président, 
Jean-Louis Debré 

_______________________________________________________________ 


Conclusions d'intervention volontaire du GIA, devant le Conseil Constitutionnel.

La vidéo de l'audience devant le Conseil constitutionnel, le 16/11/2010: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/decisions/video/audience.50569.html N° QPC 2010-71

(Conclusions produites le 21/10/2010.)

QPC n° 2010-71

                                                                       A Messieurs les Président et Conseillers
composant le Conseil Constitutionnel




OBSERVATIONS



POUR :

L’Association GROUPE INFORMATION ASILES (G.I.A.)
Association régie par la loi du 1er juillet 1901
Ayant son siège social 14 rue des Tapisseries 75017 PARIS
Représentée par son Président, Monsieur André BITTON

            Intervenante volontaire

                                                           Ayant pour avocat :
                                                           Maître Corinne VAILLANT
                                                           Avocat au Barreau de PARIS
Association d’avocats VAILLANT SCHORTGEN
                                                           1 rue Saint Antoine
                                                           75004 PARIS
                                                           avocats@acves.net
                                                           Tel : 01 44 78 87 00
                                                           Fax : 01 42 76 02 70


Par arrêt rendu le 24 septembre 2010, le Conseil d’Etat, section du contentieux a décidé que la question de la conformité à la Constitution des articles L.326-3, L.331, L.333, L.333-1, L.333-2, L.334, L.337 et L.351 désormais repris aux articles L.3211-3, L.3211-12, L.3212-1, L.3212-2, L.3212-3, L.3212-4, L.3212-7 et L.3222-1 du code de la santé publique était renvoyée au Conseil Constitutionnel et a sursis à statuer sur la requête de Mademoiselle A jusqu’à ce que le Conseil Constitutionnel ait tranché la question de la Constitutionnalité ainsi soulevée.


Sur la recevabilité de l’intervention

Le Groupe Information Asiles (G.I.A.) entend intervenir à la présente instance et présenter des observations au soutien de la question posée par Mademoiselle A.

Il demande préalablement au Conseil de juger que son intervention est recevable.


Le Groupe Information Asiles (G.I.A.) est une association régulièrement déclarée et régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. (pièces n° 2 et 3)

L’association a pour objet social (article 2 des statuts, pièce n°1) :

A TITRE PRINCIPAL : d’informer sur l’abus et l’arbitraire en psychiatrie. De promouvoir les droits de l’Homme en psychiatrie, de lutter contre la contrainte aux soins et l’utilisation répressive de la psychiatrie, les mauvais traitements et les atteintes à l’intégrité de la personne dans le cadre de son exercice.

A TITRE SECONDAIRE : de conseiller et défendre ceux qui, au mépris de la loi, sont victimes de cet abus et de cet arbitraire.

  • De poursuivre tout acte de discrimination à l’égard des malades mentaux, comme tout usage discriminatoire de la psychiatrie, à raison de l’origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, et toute violation des droits des mineurs et des majeurs protégés atteints de troubles mentaux ou supposés tels.
  • De défendre les droits des consommateurs de soins et traitements psychiatriques.

Pour défendre cet intérêt général, l’association peut :

  • Collecter et diffuser tout travail d’information par tous les moyens autorisés dans tous les domaines concernés par la psychiatrie.
  • Représenter les personnes psychiatrisées dans les instances officielles et assurer une médiation entre l’administration et les personnes faisant appel à l’association.
  • Conseiller des personnes victimes d’abus et d’arbitraire psychiatrique soit en préalable à un contentieux, soit dans le cadre de contentieux.
  • Saisir par plaintes et requêtes toute juridiction nationale et internationale, civile, pénale ou administrative, de tout internement qu’elle estime abusif, illégal ou arbitraire, comme de toute atteinte au droit des personnes portée à sa connaissance et commise à l’occasion de la pratique psychiatrique, ainsi qu’en cas d’homicide volontaire ou involontaire de patients ou de décès suspects.
  • diligenter ou intervenir dans toute procédure civile, pénale ou administrative, à l’effet d’accéder ou de faire accéder par les intéressés, aux pièces administratives ou médicales relatives à l’exercice psychiatrique, comme afin de faire respecter la législation sur la prise en charge financière des frais résultant de l’exercice psychiatrique … etc.

Par décision de son Président en date du 8 octobre 2010, l’association GROUPE INFORMATIONS ASILES a décidé d’intervenir à l’appui de la Question prioritaire de Constitutionalité déférée au Conseil par le Conseil d’Etat à la demande de Mademoiselle A. (pièce n° 4)

Cette intervention qui est conforme à l’objet social de l’association sera déclarée recevable.


L’intervention de l’association devant toutes les juridictions tant administratives que judiciaires, depuis plus de trente ans a été jugée recevable aux termes de nombreuses décisions. (pièces n° 5 à 10)

Son action à titre principal a même été récemment admise par le Conseil d’Etat. (CE 20 nov.2009, Préfet de police, n° 313598, pièce n° 5)

L’association demande donc au Conseil de déclarer son intervention recevable, de transmettre en conséquence les présentes observations aux parties, ainsi qu'au Conseil et de déclarer inconstitutionnelles les dispositions législatives déférées, et de prendre en compte les présentes observations.


DISCUSSION


Le Conseil d’Etat a jugé que : « les moyens tirés de ce que, compte tenu du caractère insuffisant tant de l’intervention de l’autorité judiciaire dans la procédure permettant de maintenir, à la demande d’un tiers, une personne en hospitalisation sans son consentement que des garanties accordées à cette personne pendant l’hospitalisation, les dispositions précitées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté individuelle ainsi qu’à la protection de celle-ci par l’autorité judiciaire en vertu de l’article 66 de la Constitution. »

Les chiffres officiels émanant des Commissions départementales des hospitalisations psychiatriques révèlent une augmentation de 28,7 % du nombre absolu d’hospitalisations sans consentement depuis ces dernières années, ce chiffre passant de 59.721 en 1997 à 76.856 en 2003.

Selon la statistique d’activité des établissements (SAE), pour 2008, il y aurait eu 75.400 entrées dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement en établissement psychiatrique, 14.500 sous le régime de l’hospitalisation d’office (HO), 60.900 à la demande d’un tiers (HDT).

C’est donc un nombre conséquent de personnes qui sont concernées par ces dispositions légales.

Par sa nature même, l’hospitalisation sans consentement constitue une atteinte aux libertés individuelles, aux premiers rangs desquelles la liberté d’aller et venir, le droit à la sûreté et à l’inviolabilité du corps humain.

Or les textes qui la réglementent ne sont pas conformes aux garanties prévues par la Constitution.

1.             La violation de l'article 66 de la Constitution

L’hospitalisation est une mesure privative de liberté dont le cadre légal est défini aux articles désormais numérotés L.3212-1, L.3212-2, L.3212-3 et L.3212-4 du code de la santé publique (C.S.P).

Ces textes prévoient que c’est le Directeur de l’établissement psychiatrique habilité par le représentant de l’Etat dans le département à soigner les personnes sous la contrainte (L.3222-1 du C.S.P) qui prend seul la décision de priver de liberté et de soigner sous la contrainte une personne atteinte de troubles mentaux :

-         dont les troubles rendent impossibles son consentement ;
et
-         dont l’état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. (article L.3212-1 du C.S.P)


Ce dernier article énumère les documents qui doivent lui être présentés pour qu’il prenne sa décision :

-         une demande d’admission présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exception des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil.
Cette demande doit être manuscrite (il est également prévu que si la personne ne sait pas écrire, elle peut être orale à condition d’être reçue par le maire, le commissaire de police ou le Directeur de l’établissement qui en donne acte).

Elle doit comporter les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l’hospitalisation que de celle dont l’hospitalisation est demandée et l’indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s’il y a lieu, de leur degré de parenté. (article L.3212-1 al 4 et 5)

-         Deux certificats médicaux datant de moins de15 jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéa sont remplies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il doit constater l’état mental de la personne à soigner, indiquer les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement.
Il doit être confirmé par un certificat d’un deuxième médecin qui peut exercer dans l’établissement d’accueil.
Enfin les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés au 4ème degré inclusivement ni entre eux ni du Directeur de l’établissement, ni de la personne ayant demandé l’hospitalisation ou de la personne hospitalisée. (article L.3212-1 al 6 et 7)

A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le Directeur peut prononcer l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant d’un médecin exerçant dans l’établissement. (L.3212-3 du C.S.P)


Le Directeur, aux termes de l’article L.3212-2 du C.S.P doit seulement vérifier que la demande a été établie conformément aux exigences de l’article L.3212-1 ou L.3212-3 du C.S.P ; il doit s’assurer de l’identité de la personne pour laquelle l’hospitalisation est demandée comme de celle qui la demande.




La seule obligation formelle imposée au Directeur à l’admission est de faire mention de toutes les pièces produites dans le bulletin d’entrée.

Il n’y a donc aucune disposition légale imposant au Directeur de formaliser par écrit sa décision ni de la motiver. (CE 26/07/1996, DA 1995, n°595 ; CAA Marseille 07/07/2008 N°07MA00782, CAA de Paris, 6/4/2009, req. N°07PA03371). 

L’article L.3212-4 du C.S.P prévoit que dans les vingt quatre heures de l’admission, il est établi par un psychiatre de l’établissement, qui ne peut pas être l’un des signataires du certificat d’admission, un nouveau certificat constatant l’état mental de la personne et confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir l’hospitalisation à la demande d’un tiers (H.D.T.)

Le Directeur doit ensuite transmettre ce certificat, le bulletin et les certificats initiaux au représentant de l’Etat dans le département ainsi qu’à la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

Aucun délai n’est prévu par le texte.

Seul le Directeur encourt une sanction pénale s’il ne transmet pas lesdits documents.

L’absence de transmission de ces documents n’a en tout état de cause aucune incidence sur la détention du malade mental.

La décision d’hospitalisation à la demande d’un tiers est donc une décision purement administrative qui peut même être prise par un simple préposé du service des admissions ayant reçu (ou non) dans la pratique délégation.

Le représentant de l’Etat dans le département, destinataire des certificats n’est pas une autorité judiciaire mais administrative qui n’a d’ailleurs même pas pour mission de vérifier les conditions de l’admission. En pratique il ne le fait jamais.

Il apparaît donc à la lecture de ces textes qu’à aucun moment l’autorité judiciaire n’intervient pour ordonner ou contrôler immédiatement la décision prise qui, de surcroît, la plupart du temps n’est même pas matérialisée par un écrit et donc à fortiori n’est pas motivée.

Il en est de même lors du maintien de la personne hospitalisée en H.D.T, régie par l’article L.3217-7 du C.S.P.

Celui-ci prévoit que dans les trois jours précédant l’expiration des quinze premiers jours de l’hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l’établissement qui établit un certificat circonstancié précisant notamment la nature et l’évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l’hospitalisation sont ou non toujours réunies.




Au vu de ce certificat, l’hospitalisation est maintenue pour une durée maximale d’un mois.

Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d’un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.

Ce certificat est transmis pour information au représentant de l’Etat dans le département, à la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques ainsi qu’aux procureurs de la République près le tribunal de grande instance dans les ressorts desquels se trouve le domicile de l’intéressé et le lieu de l’établissement.

La loi n’impose même pas une décision expresse du Directeur de l’établissement ce qui prive alors l’intéressé de tout contrôle administratif de la régularité de la décision (CAA Versailles N° 07VE01725 du 23 juin 2009)

Un seul certificat médical (le plus souvent laconique et reproduisant de mois en mois les mêmes observations et conclusions : « à maintenir ») suffit à priver de liberté un individu pour une durée d’un mois renouvelable indéfiniment.

Il n’y a donc aucune intervention ni aucun contrôle de l’autorité judiciaire de la nécessité d’une telle mesure comme de sa régularité.

Le texte prévoit toutefois (et c’est une innovation par rapport à la loi initiale du 30 juin 1838) que faute de production du certificat de maintien, la levée de l’hospitalisation est acquise (mais encore faut-il qu'elle soit demandée et que les certificats médicaux soient aisément accessibles!).

C’est le seul cas en France où une personne peut se trouver privée de sa liberté sur une simple décision administrative sans intervention de l’autorité judiciaire.

Les dispositions législatives déférées au Conseil relatives à l’H.D.T. portent donc atteinte aux droits et libertés garanties par la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et la Constitution du 4 octobre 1958.

L’article 7 de la déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 dispose que « nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi. »

L’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 garantit également que « Nul ne peut être arbitrairement détenu » c’est à dire privé de sa liberté sans l’intervention d’un juge.
« L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »




Par sa décision du 12 janvier 1977 sur la fouille des véhicules, le Conseil Constitutionnel a établi solennellement que « la liberté individuelle constitue l’un des principes fondamentaux garantis par les lois de la République » et que « l’article 66 de la Constitution en réaffirmant ce principe, en confie la garde à l’autorité judiciaire. »

La liaison entre la défense de la liberté individuelle et le rôle du juge judiciaire, ainsi que la valeur constitutionnelle de l’une et de l’autre ont été confirmées par la décision du 9 janvier 1980 sur la prévention de l’immigration clandestine, la Haute instance rappelant à cette occasion que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Les Tribunaux de l’ordre judiciaire doivent donc intervenir, à titre exclusif, chaque fois qu’est concernée la « liberté individuelle » dont ils sont gardiens et qui a été elle-même définie de manière extensive quelle que soit la nature de la décision ayant autorisé cette privation de liberté.

C’est ainsi le cas s’agissant de la privation de liberté dans le cadre d’une mesure de garde à vue.

À l’occasion de la décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, relative à la loi « sécurité et libertés », le Conseil a validé la disposition qui confiait au président du tribunal la possibilité de prolonger une garde à vue au-delà de quarante-huit heures en matière de certaines infractions aggravées et a jugé que « Si l’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser, dans ces cas, la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution, aucun principe ou règle de valeur Constitutionnelle n’exige que ce magistrat ait la qualité de juge d’instruction » (cons. 25).

Il confirmait ainsi la nécessité de l’intervention d’un juge pour prolonger une mesure de privation de liberté.

Puis, aux termes de la Décision n°93-326 du 11/08/1993 le Conseil Constitutionnel a validé le principe du placement en garde à vue par l’officier de police judiciaire « dans la mesure où l’autorité judiciaire est immédiatement avertie et que cet avertissement place le déroulement sous son pouvoir de contrôle (cons. 3) » et la possibilité que la première prolongation de la garde à vue soit décidée par un magistrat du parquet.

Enfin aux terme de la décision rendue le 30 juillet dernier, le Conseil a réaffirmé qu’au delà de 48 heures de privation de liberté, l’article 66 de la Constitution impose que la privation de liberté soit placée sous le contrôle d’un magistrat du siège.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Aucune autorité judiciaire n'intervient donc pour ordonner l'hospitalisation sous la contrainte, comme pour en vérifier la validité ou la conformité à la loi dans le plus court délai possible.

Les articles L.3212-1, L.3212-2, L.3212-3 et L.3212-4 devront de ce fait être jugés inconstitutionnels.


2.             la violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen:

A.     des contrôles a posteriori insuffisants et inefficaces

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution  »

Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle aux droits des personnes intéressées, d'exercer un recours effectif devant une juridiction . (DC 28/7/1989 - cons. 44)

Or, le recours prévu par la loi du 27 juin 1990 ne répond pas en l'espèce aux exigences constitutionnelles.

En effet, l'article L.3211-12, tel qu'il résulte de la loi du 27 juin 1990, prévoit que :

« Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le Juge de la liberté et de la détention du Tribunal de grande instance du lieu de la situation de l'établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s'il y a lieu, la sortie immédiate.

Une personne qui a demandé l'hospitalisation ou le Procureur de la république d'office peut se pourvoir aux mêmes fins.

Le Président du Tribunal de grande instance peut également se saisir d'office à tout moment pour qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement.
A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'un malade hospitalisé. »

Il s’agit d’une demande de mise en liberté et non d’un contrôle systématique de la validité de la décision prise.

Ce contrôle se fait uniquement à la demande de l’intéressé et de quelques autres personnes limitativement énumérées.





a)      Le traitement médical, obstacle au recours

L’intervention du Juge est généralement différée et lorsqu’elle survient, ce n’est que plusieurs semaines après l’admission, voire après plusieurs mois d’internement et de traitement médical (avec effets secondaires conséquents) plus ou moins intensif et sous la contrainte.

En effet, dès lors que le Directeur a ordonné l'hospitalisation sous la contrainte, le traitement médical est immédiatement appliqué.

Or il prend, la plupart du temps, la forme d'administration forcée de neuroleptiques qui ont des effets secondaires reconnus et conséquents et qui affaiblissent les facultés mentales de l'intéressé, ce qui rend difficilement effectif l'accès à cette voie de recours.

Il n'y a pas d'effet suspensif de la décision d'hospitalisation lorsque le Juge est saisi.


b)      La notification de la décision d’admission et l'information sur les voies de recours

L'accès au Juge des libertés est par ailleurs rendu particulièrement complexe dans la pratique.

En effet, pour saisir le Juge, encore faut-il que l'intéressé ait eu connaissance de son existence.

Or, si l'article L.3211-3 (également déféré au Conseil), précise que toute personne atteinte de troubles mentaux, hospitalisée sans son consentement « doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande de sa situation juridique et de ses droits », cette obligation n’est assortie d’aucune sanction.

Or, l'article 5-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, stipule que toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et de toutes accusations portées contre elle.

Cette obligation est également prévue par l'article 9 du Pacte international de New York, relatif aux droits civils et politiques, dont la ratification a été autorisée par la loi du 25 juin 1980, et publié au Journal officiel par décret du 29 janvier 1981.

Ce texte prévoit que :

« tout individu arrêté sera informé au moment de son arrestation, des raisons de son arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toutes accusations portées contre lui. »





Ce texte impose non seulement la notification de la décision elle-même, mais également celle de ses motifs, afin de garantir l'efficacité du recours prévu par l'article 5-4 de la Convention européenne.

La Cour d'appel de PARIS a précisé dans un arrêt du 5 juillet 2001 (Cour d’appel de PARIS 1ère Ch., Sect. A, 5 juill. 2001 - GRANATA / AJT et autres) que la notification était impérative pour être un élément substantiel de la validité de toute décision administrative privative de liberté.

La charge de la preuve de la notification incombe au Directeur de l’établissement .
Toutefois, si le défaut de notification peut être sanctionné dans le cadre d’une action en responsabilité dirigée contre l’établissement hospitalier, celle-ci est postérieure à l'internement, il n'existe aucun moyen légal de l'imposer avec effet immédiat.

Par ailleurs, dès lors que le Directeur de l'établissement ne prend pas de décision écrite et motivée, la notification dans la pratique est inexistante.

Enfin, lorsque cette notification intervient (dans des rares cas où le Directeur rédige et signe une décision d'admission sur un formulaire), cette notification ne va concerner que la décision assortie éventuellement des voies de recours, mais n’emporte pas remise des certificats médicaux comme de la demande du tiers ayant fondé cette décision.

Elle n’est donc pas effective et ne permet pas un recours effectif au juge des libertés puisque l’intéressé ne dispose pas des informations lui permettant de connaître et d’apprécier l’opportunité de ce recours.

L'information sur les voies de recours quand elle existe, est souvent parcellaire, quand elle n'est pas erronée. (Pièce n°  : notification MALINGE)

La dualité des compétences juridictionnelles conduit , lorsque cette notification intervient de façon complète à une multiplication d’informations qui ne peut qu’égarer le justiciable profane et sous traitement et le dissuader d’agir tant l’accès à un Juge apparaît complexe et technique.

Les recommandations du 18 juin 2009 publiées par le Contrôleur général des lieux, de privation de liberté, relatives au Centre hospitalier Esquirol de LIMOGES (JORF n° 0151 du 2 juillet 2009, texte n° 58) en font le constat :

« L'exercice des voies de recours n'est néanmoins pas suffisamment garanti aux patients : les explications données le sont exclusivement par un personnel soignant dans des termes juridiques peu accessibles » (pièce n°)

La mission de l'IGAS/IGSJ chargé de formuler des propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 l'a également relevé de façon plus générale dans son rapport du mois de mai 2005.

Il y est indiqué :

« La mission a constaté que dans les livrets d'accueil examinés, une confusion était souvent opérée entre les voies de recours qui impliquent une décision judiciaire et les simples procédures de réclamations administratives.
Dans certains livrets, la possibilité de saisir le Juge des libertés et de la détention, compétent pour ordonner la sortie immédiate, n'est même pas mentionnée…»

D'une manière générale, la mission a constaté un manque de hiérarchisation et de lisibilité des informations, qui constitue un réel obstacle à l'effectivité des garanties.

Informer une personne dont la capacité décisionnelle est altérée ou réduite par ses troubles ou par les traitements, est une obligation visant à garantir le respect de la dignité de la personne malade et donc le respect de ses droits Constitutionnels.

L'illisibilité de la loi y fait clairement obstacle.



c)Un accès effectif réduit

Une première lecture de l'article L.3211-12 du C.S.P laisse à penser que le recours au Juge des libertés est largement ouvert puisque non seulement l'intéressé, mais également des tiers, et même le Procureur de la république et le Juge des libertés d'office peuvent demander la sortie immédiate d'une personne hospitalisée sous la contrainte.

Il a d'ores et déjà été vu (supra) que ce recours est difficilement accessible à la personne elle-même compte tenu non seulement des troubles qui pouvaient l'affecter, mais également du traitement qui lui était infligé, comme de l'absence d'information sur cette voie de recours comme des éléments ayant fondé la décision d'hospitalisation.

S'agissant des tiers, la loi ne prévoit aucune obligation d'information à leur égard. Il n'y a ainsi aucune information systématique envers la famille de la personne hospitalisée d'office. Toute demande d’information même sur le statut de l’hospitalisation se heurte au secret médical.

De même, le demandeur à l'admission n'est pas informé de la possibilité qu'il a par la suite de saisir le Juge des libertés s’il estime par exemple que la mesure ne devrait plus être maintenue.

S'agissant enfin du juge des Libertés qui a la faculté de se saisir d'office, il sera rappelé qu'il n'est pas destinataire des certificats de la décision d'admission lorsqu'elle est matérialisée. Il est donc illusoire qu’il dispose d’informations lui permettant de se saisir d’office.




d)            Une compétence limitée

Le contrôle de la régularité formelle de la décision du Directeur échappe au Juge des Libertés puisqu’il relève de la compétence exclusive du Juge administratif.

La dualité de compétences résulte du caractère administratif de la décision initiale d'admission comme de celle de maintien, jurisprudence constante confirmée par l'arrêt du Tribunal des conflits du 17 février 1997.

Le Juge des libertés peut seulement ordonner la sortie, mais n'a pas compétence pour annuler la décision même si celle-ci est illégale.

Seul le tribunal administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoirs peut annuler la décision (délai d’instruction de plusieurs mois). Toutefois et à condition de disposer d’une décision écrite et des certificats médicaux, il peut en suspendre les effets dans le cadre d'une action en référé (articles 521-1 et 522-1 du CJA).

Enfin le Juge des libertés n’a pas compétence pour connaître et apprécier la contrainte de soins imposée à la personne dès son admission, parfois même dès son transport et avant même que la décision d’H.D.T. n’intervienne.

Il n’existe aucun contrôle efficace et effectif des traitements parfois massifs et dégradants qui peuvent être administrés par la contrainte pas plus qu’il n’est possible au Juge des libertés de les suspendre.

Le Juge des libertés n’est d’ailleurs pas informé des traitements administrés qui ne sont mentionnés dans aucun des certificats exigés par la loi.

Ce contrôle a posteriori est donc insuffisant au regard des exigences conventionnelles en matière d’atteinte à la liberté individuelle ;


B.    des droits de la défense non garantis

a)      L'accès aux pièces :

Jusqu'au 20 mai 2010, la procédure de sortie judiciaire était régie par les seules dispositions de l'article 3211-12 du C.S.P, ainsi que celles du Code de procédure civile.

Le décret n° 2010-526 du 20 mai 2010 a précisé les règles de procédure spécifiquement applicables devant le Juge des libertés, ainsi que l'exercice des voies de recours.

S'agissant de l'accès aux documents ayant fondé la mesure d'hospitalisation sous la contrainte, alors même qu'il a été constaté (voir supra) que ces documents n'étaient jamais remis aux intéressés lors de leur admission, il s'avère qu'ils ne peuvent pas plus en prendre une connaissance effective lors de l'audience.



En effet, l'article R.3211-5 alinéa 3 du C.S.P précise que :

« L'avis d'audience indique que les pièces mentionnées du 1° au 5° de l'article R.3211-3 peuvent être consultées au Greffe du Tribunal sans qu'il soit possible d'en prendre copie. »


Ces pièces sont, s'agissant d'une HDT :

-                la demande du tiers, les noms, prénoms et adresse de ce tiers, ainsi qu'une copie de la décision d'admission ;
-                une copie des certificats et avis médicaux au vu desquels l'hospitalisation a été décidée et maintenue, et de tout autre certificat ou avis médical en sa possession.

Ainsi, ni la personne hospitalisée, ni même son conseil ne peuvent en obtenir copie.

Ils ne peuvent en prendre connaissance qu'après avoir saisi le Juge des libertés et de la détention, de façon très sommaire compte tenu de la proximité de l'audience.

L'intéressé est donc privé de toute possibilité de contester sérieusement le bien fondé de la mesure, comme d'en vérifier la régularité (date du certificat, qualité du demandeur, signature de la demande d'admission etc.).

Ces dispositions, qui font d'ailleurs l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'état (requête n°341555 du 15/7/2010) ne permettent pas à la personne hospitalisée de se défendre efficacement devant le Juge judiciaire.

Le seul moyen alors d’en avoir copie consiste à utiliser la voie de droit commun et de faire une demande de communication de documents administratifs sur le fondement de la loin°78-753 du 17 juillet 1978 en utilisant le droit commun.

Cependant l’instruction de cette demande est longue et l’issue incertaine.
L’établissement hospitalier a un mois (deux mois si le dossier est vieux de plus de 5 ans)  pour y faire droit avant que la CADA (Commission d'Accès aux Documents Administratifs) ne puisse être saisie.

Celle-ci rend un simple avis favorable à la communication des documents demandés qui n’a pas d’effet contraignant.

Si l'établissement hospitalier n'obtempère pas , il faudra ensuite saisir le Tribunal administratif pour obtenir l’annulation de la décision implicite de refus de communication de ces documents.

Par ailleurs la CADA, aux termes d'une jurisprudence constante, estime que la demande du tiers ne fait pas partie des documents qui doivent être communiqués à l'intéressé dans la mesure où il s'agit d'un document administratif nominatif.




En l'état actuel, les dispositions de l'article 5-4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas respectées, et la personne hospitalisée ne dispose pas d'un recours effectif devant les Juridictions tant judiciaires qu'administratives puisqu’elle n’a pas un accès simple et direct à son dossier lui permettant de présenter une réelle défense.

Elle ne dispose pas, lorsqu'elle a saisi le Juge, d'un droit à un procès équitable.


e)      La possibilité de ne pas entendre l’intéressé:

Il résulte de l'article R.3211-8, alinéa 2 du C.S.P, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-526 du 20 mai 2010, que :

« Le Juge entend la personne hospitalisée, sauf si son audition est de nature à porter préjudice à sa santé.
Dans ce cas, le Juge peut, par décision motivée, sur l'avis du médecin de l'établissement et, le cas échéant de l'expert qu'il a désigné, décider qu'il n'y a pas lieu d'y procéder . »

Ainsi, il est aujourd'hui possible que la personne hospitalisée, qui a saisi le Juge des libertés d'une requête, ne puisse être entendue par ce Juge.

Il n'est pas prévu qu'elle puisse être obligatoirement représentée par un conseil.

De surcroît, c'est le médecin de l'établissement, celui-là même qui a signé les certificat(s) ordonnant la mesure, qui est chargé d'apprécier si l'intéressé peut rencontrer un Juge qui a vocation à examiner la conformité de ces certificats et ordonner le cas échéant une mise en liberté jusque là refusée par ce même médecin.

Le principe de séparation des pouvoirs est donc largement violé en la matière, tout comme l'exigence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties pourtant réaffirmés par le Conseil (décision n° 89-260, DC du 28 juillet 1989, cons. 44) :

« Le principe du respect des droits de la défense, constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république, réaffirmés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958, et implique, notamment en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.



L'article L.3211-12 n'est donc pas conforme aux exigences de la Constitution.




3.             La rupture d’égalité entre les citoyens

L'article 6 de la Déclaration de 1789 : " La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse... " ;

Or en l’espèce il est patent que les personnes suspectées d’avoir commis une infraction et placées en garde à vue et privées de liberté bénéficient de garanties et de droits qui ne sont pas accordés à des personnes qui n’ont même pas troublé l’ordre public mais souffrent de troubles mentaux qui nécessitent des soins immédiats dans un service fermé.

Le Conseil a rappelé au travers de plusieurs décisions (voir supra) la nécessité de l’intervention d’un magistrat pour autoriser le maintien de la garde à vue y compris s’agissant de personnes susceptibles d’être mises en cause dans des délits plus graves tels que ceux du grand banditisme ou de la criminalité organisée.

De même un prévenu atteint de troubles mentaux ayant altéré son discernement bénéficiera de droits dont est privé une personne hospitalisée en H.D.T.

En effet en vertu des articles 706-119 et suivants du code de procédure pénale et notamment l’article 706-125, si la Chambre de l’instruction rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale, il pourra être hospitalisé sous la contrainte par une décision judiciaire et non administrative et après un débat où il est obligatoirement assisté ou représenté par un avocat.

Les articles réglementant la procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers et son renouvellement sont donc contraires à l’article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

4.             Les droits sans garanties de la personne hospitalisée sous la contrainte, tels que définis par l'article L.3211-3


Cet article dispose que :

« Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement, en application des dispositions relatives notamment à l'hospitalisation à la demande d'un tiers, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé ou la mise en œuvre de son traitement.

En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Elle doit être informée dès l'admission, et par la suite à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits.

En tout état de cause, elle dispose du droit :
1/    de communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L.3222-4 ;
2/    de saisir la Commission prévue à l'article L.3222-5 ;
3/    de prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;
4/    d'émettre ou de recevoir des courriers ;
5/ de consulter le règlement intérieur de l'établissement tel que défini à l'article L. 3222-3 et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;
6/    d'exercer son droit de vote ;
7/    de se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix. »

La simple lecture du premier paragraphe de cet article met en évidence le pouvoir absolu dévolu aux médecins de l’établissement hospitalier qui peuvent au nom de l’état de santé ou du traitement qu’ils ordonnent restreindre l’exercice des libertés individuelles de l’intéressé sans aucun contrôle juridictionnel.

Cet article méconnaît également  le principe de la séparation des pouvoirs puisque ceux là même qui décident de la privation de liberté peuvent au nom du traitement qu’ils imposent porter atteinte aux droits garantis par cet article à toute personne privée de liberté.

Par ailleurs cet article ne prévoit aucune sanction permettant de garantir l’effectivité de droits énoncés.

Il s’agit d’une simple déclaration de principe .

Ainsi s’agissant du droit d’émettre et de recevoir du courrier, l’intéressé dont le courrier est fréquemment ouvert et retenu ne dispose d’aucun recours immédiat et effectif pour faire cesser cette atteinte à un droit légalement reconnu hormis les voies de recours de droit commun (action en responsabilité) qu’il ne pourra pas exercer effectivement avant sa sortie et qui nécessiteront des mois, voire des années avant d’aboutir à une décision judiciaire définitive.

S’il proteste, il s’expose à des mesures de rétorsion, augmentation du traitement, privation de sortie dans le parc etc.. puisqu’il n’existe aucune autorité indépendante chargé de faire respecter l’exercice de ces droits.

Les recommandations du 18 juin 2009 publiées par le Contrôleur général des lieux, de privation de liberté, relatives au Centre hospitalier Esquirol de LIMOGES sus visées en font également le constat :

« Le droit à la vie privée n’est pas respecté lorsque les courriers adressés par les patients font l’objet d’un contrôle, même sans ouverture des enveloppes. La liberté de correspondances des malades hospitalisés sans consentement ne peut être remise en cause, y compris pour répondre à des objectifs de soins et de protection des personnes. »

Les limites apportées par l’article L.3211-3 à l’exercice des droits ne sont donc pas conformes à la Constitution.



Il en est de même pour chacun des droits énumérés.

S’agissant ainsi du droit de prendre contact avec un avocat, la mise en œuvre effective de ce droit n’est pas non plus garantie par des sanctions légales.

Elle se heurte dans la pratique à une résistance importante des médecins qui estiment que l’exercice de tels droits est contraire aux nécessités du traitement et ce d’autant plus que l’intervention de l’avocat pourrait conduire à ce qu’un juge remette en cause la décision d’HDT ou de maintien qu’ils ont prise .

Il a fallu presque 7 ans de procédure et un arrêt du Conseil d’Etat (CE N°313598, 20 novembre 2009) pour que soit annulée la décision qu’avait prise le Préfet de police de Paris le 30 avril 2003 aux termes de laquelle il refusait de modifier la charte d’accueil et de prise en charge des personnes conduites à l’IPPP et d’y inscrire le droit d’accès à un avocat. Sans même qu'actuellement cette information soit effectivement donnée aux patients contraints transférés à l'I3P et que cet accès à l'avocat soit effectivement garanti. 

  Il est du reste fréquent que lorsque des patients demandent à accéder à un avocat dans un service psychiatrique habilité à la contrainte, les personnels de garde leurs rient au nez et augmentent les doses de traitements psychiatriques, voyant dans cette demande le symptôme d'un regain d'activité psychotique. Voir à ce sujet les livres témoignages de Philippe Clément (infirmier psychiatrique), La Forteresse psychiatrique, Flammarion-Aubier 2001, et Bienvenue à l'hôpital psychiatrique, le Seuil, collection Les empêcheurs de tourner en rond, 2007, qui attestent, entre autres publications, de ce genre d'état de fait, en tant que parfaitement coûtumier.

On mesure à l’aune de cet exemple l’absence d’effectivité des droits garantis par l’article L.3211-3 et la nécessité urgente de déclarer cet article inconstitutionnel comme ne garantissant pas suffisamment les droits et libertés définis par la Constitution.




PAR CES MOTIFS



et tous autres, à déduire, produire ou suppléer, même d'office s'il échet, l'exposant conclut qu'il plaise au Conseil Constitutionnel :

        de constater l'incompatibilité avec les dispositions de la Constitution de 1958, des articles du Code de la santé publique faisant l'objet de la question prioritaire de Constitutionnalité, à savoir les dispositions suivantes de la loi du 27 juin 1990 relatives à l'hospitalisation à la demande d'un tiers :

-       article L.3211-3 (ancien article L.326-3)
-       article L.3211-12 (ancien article L.351)
-       article L.3212-1 (ancien article L.333)
-       article L.3212-2 (ancien article L.333-1)
-       article L.3212-3 (ancien article L.333-2)
-       article L.3212-4 (ancien article L.334)
-       article L.3212-7 (ancien article L.337)
-       article L.3222-1 (ancien article L.331)

et en tirer toutes conclusions, d'office, sur les autres dispositions de la loi du 27 juin 1990 régissant le placement d'office.

Maître Corinne VAILLANT
Avocat au Barreau de Paris







PIECES VERSEES AUX DEBATS :

1.                 Statuts de l’association Groupe Information Asiles (GIA).
2.                 Journal Officiel du 19/06/2010
3.                 Récépissé de déclaration de modification du 20/08/2010
4.                 Décision du Président du 08/10/2010
5.                 Arrêt du Conseil d’Etat du 20 novembre 2009.
6.                 Ordonnance du JLD de Vannes, LE CLERRE du 19/10/2009
7.                 Ordonnance du JLD de Sarreguemines, LE TOHIC du 06/09/2005
8.                 Cour d’appel de DOUAI, LOYEN du 28/04/2003
9.                 Tribunal de Grande Instance de PARIS, (Aff. VANLEENE - DELANNEAU C/ Agent Judiciaire du Trésor Public et autres) du 02/10/2000
10.             Arrêt de la 1ère Ch. Section B de la Cour d’appel de PARIS du 11/10/2002
11.             Cour d’Appel de Douai, 1ère Ch. du 20/07/1988
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